Beaucoup plus que du « click-bonbon » !
Texte écrit en collaboration :
Simon Gaudreault, intervenant en comportement canin, membre du RQIEC, Le Pacte Canin
Lucie Malouin, B.Sc, CTC, PCBC-A, MCP, intervenante en comportement canin, membre du RQIEC, Complètement Canin
04/08/2018
Pourquoi entraînons-nous les animaux avec de la nourriture? Pourquoi évitons-nous la punition?
La réponse est simple et complexe à la fois. La réponse simple est que le résultat global est supérieur. La réponse complexe est que ce sont des méthodes basées sur les théories de l’apprentissage. La nourriture possède quatre fonctions principales. Les connaissez-vous?

1) L’alimentation.
C’est la fonction la plus connue et peu importe les méthodes d’entraînement utilisées, le chien devra tôt ou tard être nourri. La nourriture sert à assurer le bon fonctionnement de l’organisme.
2) Le leurre.
On utilise un morceau de nourriture ou une friandise pour déclencher un comportement. Exemple : Tenir un morceau de foie séché près du nez du chien puis se déplacer vers l’avant en marchant afin que celui-ci se déplace avec nous.
3) Comme conséquence à un comportement offert par le chien.
L’humain demande « Touche » avec la main ouverte, le chien touche la main avec sa patte, l’humain offre immédiatement une friandise délicieuse au chien. C’est l’apprentissage des conséquences (plus scientifiquement, le conditionnement opérant). Connaissez-vous le professeur B.F. Skinner (1904-1990)? Celui-ci a fait des expériences avec des rats placés dans des cages munies d’un levier, d’un distributeur de nourriture, de deux lumières et d’un plancher électrifié. Lorsque la lumière verte était allumée et que le rat appuyait sur le levier, la nourriture tombait dans le distributeur (conséquence désirée qu’on appelle aussi renforçateur). Lorsque la lumière était rouge, le rat ne devait pas appuyer sur le levier, faute de quoi il recevait un choc électrique (conséquence déplaisante qu’on appelle aussi punition). Les rats apprenaient donc qu’activer le levier était payant lorsque la lumière était verte, et que c’était dangereux lorsque la lumière était rouge. Notez que de nos jours, il est interdit d’infliger des chocs électriques à des animaux pour des fins d’études car c’est considéré comme non-éthique par la communauté scientifique.
4) Pour changer l’émotion.
L’éducateur met un morceau de poulet BBQ sous le nez d’un chien alors qu’il aperçoit à distance un homme vêtu d’un chandail noir à capuchon (supposons que le chien devient inconfortable habituellement devant cette situation). Ici, il est question d’association (plus scientifiquement, le conditionnement classique ou répondant). Nous reculons dans le temps et retrouvons notre ami Pavlov (1849-1936). Pavlov faisait sonner une cloche au moment de nourrir ses chiens. Après quelques répétitions, il s’est rendu compte que les chiens salivaient juste à entendre la cloche et sans aucune nourriture. Pourtant, la cloche à elle seule n’avait aucune signification préalablement à cette association. Dans cet exemple, si je répète la séquence en respectant une bonne distance et que mon chien demeure confortable, bientôt mon chien commencera à me regarder avec une anticipation joyeuse (et peut-être en salivant) à la vue de ce qui l’effrayait avant.
Qu’en est-il de la punition?
La punition aversive sert souvent à mettre fin à un comportement. On l’observe sous les formes suivantes : corriger, crier ou dire « non, hé ou heille, tschhh », pousser ou bousculer le chien, tirer le collier, donner un coup sur la laisse, une petite tape ou un geste pour enfoncer les doigts afin de distraire le chien, le collier électrique, l’alpha roll ou maintenir le chien au sol par la peau du cou, etc. La punition et la correction sont, ni plus ni moins, des conséquences déplaisantes suivant un comportement offert par le chien. Elles entrent donc dans la catégorie 3 ci-haut (vous souvenez-vous, Skinner, la lumière rouge et les chocs électriques?).
Pourquoi est-elle si populaire?
Pour deux raisons. Ça semble fonctionner rapidement car le comportement indésirable avorte et donc, c’est extrêmement satisfaisant ou renforçant pour le punisseur!
Mais que se passe-t-il réellement?
Le fait que le comportement indésirable cesse n’est pas une si bonne nouvelle que ça !
Prenons cet exemple : Vous avez incroyablement peur des rats. Je vous place dans une chambre avec 10 rats. À chaque fois que vous tentez de manifester quoique ce soit (crier, ventiler, frapper les petites bêtes, vous déplacer pour essayer de fuir…) alors je vous pince la peau fortement. Vous allez éventuellement abandonner toute tentative ou toute manifestation afin d’éviter le pincement. Vous allez abdiquer, lever le drapeau blanc et vous rendre, devenir impuissant dans cette chambre à rats. Mais allez-vous m’aimer et me faire confiance la prochaine fois? Allez-vous davantage aimer les rats? On PEUT faire cesser un comportement par la punition, mais on ne change pas l’émotion sous-jacente. On ne fait qu’arrêter le symptôme.
La punition, aussi petite soit-elle, comporte quatre effets secondaires sérieux :
- L’animal pourrait démontrer des signaux d’évitement ou tenter de s’échapper;
- L’animal pourrait sur-généraliser les éléments aversifs et associer d’autres éléments qui étaient présents (vous!) lors de la première mauvaise expérience de punition, ce qui pose un problème sérieux au niveau de la relation de confiance avec l’animal;
- L’animal pourrait subir une diminution générale de son activité, figer, suite à l’anticipation d’une situation qui est inconfortable ou qui lui fait peur;
- L’animal pourrait réagir agressivement ou augmenter d’un cran sa réponse agressive puisque ça n’a pas fonctionné la première fois.
Ajoutons à cela, lors de l’utilisation du collier étrangleur en chaîne de métal ou en nylon, à pics ou à pointes, l’animal pourrait se faire blesser à la région cervicale, se faire endommager certaines structures telles que la trachée, l’œsophage, la glande thyroïde et son cartilage, ou encore accumuler des tensions aux tissus mous du cou et des épaules. Le collier à pics peut quant à lui irriter ou même percer la peau.
La plupart des cas de morsures sont dus au fait que les signaux de détresse de l’animal n’ont pas été identifiés, ni respectés ou encore ont été punis.
Mais que faire alors si mon chien produit des comportements que je n’aime pas?
Il faut d’abord rephraser la situation. Au lieu de se demander « comment faire pour qu’il cesse de japper? », il faut se demander « quel comportement serait acceptable au lieu de japper en ce moment? ». De cette façon, il est plus facile d’enseigner à notre chien « quoi faire » au lieu de « quoi ne pas faire »!
Le chien est superstitieux, il fait parfois de drôles d’associations. Il regarde un arbre pendant un coup de tonnerre et il pourrait avoir peur pour le reste de sa vie de cet arbre, ou pire encore, de tous les arbres. En entraînement, le chien peut aussi faire des associations superstitieuses.
Changer notre frustration par de l’empathie pour le chien nous aidera à mieux communiquer et comprendre la problématique de son point de vue. À l’inverse, si l’on demeure fâché, cela se transmettra dans notre interaction, et risquera ainsi de catalyser la situation problématique. Le problème aura alors l’opportunité de devenir encore plus sérieux et insupportable pour nous.
Travailler dans un esprit de motivation
Les professionnels de l’entraînement canin peuvent avoir différentes raisons ou motivations pour travailler avec de la nourriture. L’amour des animaux est souvent mentionné, mais avec uniquement de l’amour, on ne règle pas les problèmes. Les quatre fonctions de la nourriture (trois en entraînement) combinées aux effets secondaires possibles de la punition, rendent le choix plutôt facile. Et de toute façon, n’est-il pas plus plaisant de travailler avec son animal dans un esprit de motivation, de collaboration volontaire et de spontanéité? Pourquoi empêcher, punir ou forcer alors qu’il est si facile et plaisant d’éduquer, d’enseigner et de s’amuser!