Donnons-leur une voix : offrons-leur des choix !
Par Lucie Malouin, B.Sc, CTC, PCBC-A, MCP
08/05/2018
Autrefois, les chiens de famille étaient pour la plupart libres de leurs allées et venues. Ils se promenaient la journée durant, librement autour de la maison, sur la ferme, avec le bétail. Ils pouvaient travailler pour l’Homme, garder la propriété, faire du sauvetage, tirer des charrettes ou l’aider à chasser. La vie d’aujourd’hui est bien différente en raison du changement de notre mode vie avec l’ère de l’industrialisation. Le chien est désormais devenu un compagnon de vie, sauf pour quelques exceptions où le chien travaille encore (chien d’assistance, de police, de sauvetage, de sang, de berger habitant sur une ferme et y travaillant, etc.).
Pourtant, nos attentes envers eux sont immenses. Il doit être docile, comprendre et faire ce qu’on lui demande, ne pas aboyer, ne pas tenter de se sauver, bien réagir devant des humains connus et inconnus (et surtout les enfants), bien interagir avec les autres chiens, les autres animaux, marcher au pied en laisse, manger ce qu’on lui offre, se laisser flatter lorsque l’on en a envie, rester calme lorsqu’on le laisse seul et, idéalement, qu’il dorme le reste du temps. Il ne doit jamais au grand jamais mordre, dans l’éventualité où nous l’aurions poussé au-delà de ses limites, même s’il a tout fait pour nous le signifier, sous peine d’en payer le prix de sa vie. J’exagère à peine!
Imaginez que vous êtes en voyage seul en Indonésie, vous ne pouvez ni lire la langue écrite, ni comprendre la langue parlée, vous avez faim mais personne ne vous comprend et quand vous essayez, même si quelqu’un vous répond, vous ne comprenez rien. Comprendre le langage canin est impératif. Lorsque le chien communique son inconfort, son désir de se retirer ou plus clairement son refus de participer, nous devons nous arrêter et réfléchir s’il est approprié de continuer ou ajuster notre entraînement en conséquence. Lorsqu’un chien est rendu au point de grogner ou mordre dans le vide : il est en fait en train de crier haut et fort qu’il n’en peut plus. Si nous sommes rendus là, c’est que nous n’avons pas compris ou respecté les signaux précurseurs lorsqu’il nous a gentiment dit « non, merci ».
Faisons l’exercice de s’imaginer dans la peau d’un chien un instant, votre vie étant contrôlée à 100% par un autre être vivant.
Serions-nous sur une piste qui pourrait nous aider à comprendre pourquoi nos chiens souffrent de problèmes de comportement reliés au stress et à l’anxiété?
Toutefois, le vocabulaire en entraînement change tranquillement. On utilise de plus en plus les mots suivants en remplacement d’anciens mots : demander au lieu de commander, éduquer au lieu de dresser, collaborer au lieu de faire obéir, respecter au lieu d’obliger, aider au lieu de forcer, suggérer au lieu d’imposer.
Explorons le « Pourquoi »
Pourquoi leur donner une voix, leur offrir des choix?
- Parce qu’ils savent ce qui se passe dans la plupart des situations car ils excellent dans l’apprentissage par association, i.e. il se passe ceci, alors il arrivera ensuite cela.
- Parce que c’est NOTRE idée d’avoir choisi cet animal pour partager NOTRE vie, et non l’inverse.
- Parce qu’enrichir leur vie permet d’avoir un compagnon canin dont les besoins physiques, psychologiques et instinctuels sont comblés, et par le fait même, lui offre une vie équilibrée avec moins de stress et plus de stimulation.
- Parce qu’entraîner en ne focussant que sur le but final, on oublie souvent de respecter les besoins et capacités du chien.
- Pour investir dans la relation de confiance avec son animal.
- Parce que le contrôle qu’un animal exerce sur son environnement est un renforçateur en soi.
- Parce qu’enrichir veut parfois aussi dire répondre aux besoins minimaux de l’animal, selon les circonstances.
- Parce qu’ils ressentent les mêmes émotions que nous.
- Parce que leur vie est si courte et que nous les aimons.
De quoi le chien est-il doté pour survivre? Qu’est-ce que la nature lui a donné? Ils ont d’abord un incroyable sens de l’odorat, ils ont des capacités physiques athlétiques exceptionnelles, certains ont les pattes palmées et un sous-poil, au niveau de la vision ils détectent les mouvements de façon spectaculaire, bien mieux que l’humain, … et j’en passe.
Essayons donc de lui fournir les opportunités de se servir de ses atouts naturels. Là se trouve l’essence de l’enrichissement!
Explorons le « Comment »
Comment leur donner une voix, leur offrir des choix?
Premièrement, il faut lâchez prise sur le besoin de tout contrôler.
- Suspendre un grelot près des sorties afin qu’il puisse demander la porte lorsqu’il a envie de faire ses besoins ou tout simplement s’il désire aller dehors.
- Lui donner le choix des lieux de repos en mettant des coussins à différents endroits.
- Lui offrir un site dans la cour où il sera permis de creuser, une petite piscine en plastique pour les journées chaudes, des endroits pour courir, sauter, jouer, se promener
Les marches en laisse :
La marche est son moment privilégié à lui. Si vous voulez absolument vous entraîner sérieusement, alors partez sans lui. Mais lorsque vous allez en balade avec votre chien, laissez votre téléphone à la maison, accordez-lui le droit de renifler les endroits où il s’arrête, monter sur des bancs ou des roches s’il en a envie, se rouler dans l’herbe, laissez-le choisir de tourner à droite ou à gauche à la prochaine rue, à quelle vitesse aller ou encore la durée de la promenade (à l’intérieur de certaines limites j’en conviens).
L’entraînement :
Entraînez le chien dans un endroit où il a la possibilité de se retirer. S’il se déconcentre, permettez lui d’explorer ce qui l’intéresse pour ensuite lui proposer de poursuivre l’entraînement. S’il revient, cela signifie qu’il trouve plus intéressant travailler avec vous que de se retirer.
Enseignez-lui à collaborer par le renforcement positif au lieu de le forcer à offrir le comportement désiré par le renforcement négatif (retirer quelque chose de déplaisant lorsqu’il produit le comportement). Utilisez le leurre, les cibles, la capture et le façonnement (« shaping ») en toute spontanéité.
Les activités de compétition :
Vous faites une activité ou un sport de compétition : posez-vous la question en observant votre chien pour découvrir s’il aime ou non. Malheureusement, j’ai déjà vu une personne se fâcher après son animal à la suite d’une contre-performance en agilité. Est-ce que vos buts dépassent les capacités ou le désir de participation de votre chien? Peut-être que votre chien n’est pas fait pour la compétition ou pour une activité spécifique, mais performerait dans un autre sport. Peut-être qu’il n’est pas compétitif du tout!
Les craintes :
Lorsqu’il aperçoit quelque chose qui semble l’inquiéter, laissez-le regarder ou sentir pour prendre l’information si c’est ce qu’il désire (attention de bien lire le langage corporel et respecter la distance sous le seuil de réactivité). Il vous regarde ensuite? Félicitez-le pour ce choix et offrez-lui une friandise. Il choisit d’augmenter la distance ou de se retirer? Respectez aussi ce choix et récompensez-le.
Les caresses :
Faites souvent le test de consentement pour voir si votre chien apprécie se faire caresser. Le fait d’aimer, ou non, se faire caresser n’est pas chose fixe dans le temps et dans toutes les circonstances.
Voici une capsule présentée par Élizabeth Boutet, BELI Concept Canin, qui explique ce sujet en détails.
Les repas :
Nourrissez votre animal de façon à stimuler sa créativité pour trouver des solutions : il existe une panoplie de jouets interactifs comme le Kong Wobbler™, les jouets Aïkiou™, ceux de Nina Ottosson™, le Pet Tutor™. Il est facile d’y insérer le repas de croquettes du chien et il devra travailler pour obtenir sa nourriture. Pour les chiens nourris avec une diète crue, il existe aussi une bonne sélection de jouets du même genre : Kong™, West Paw Design™, Planet Dog™.
Une autre option pour nourrir de façon stimulante est de répandre les croquettes dans la pelouse ou la neige et laisser le chien les trouver. Cacher sa nourriture dans la maison, sa portion étant divisée dans 4 ou 5 gamelles à des endroits ou pièces différentes. Créer une difficulté additionnelle, où il devra aller derrière, dessus, autour, pousser, tirer, ouvrir ou fermer quelque chose pour obtenir sa nourriture. On a filmé des animaux de zoo exposés au choix de se nourrir directement d’un bol ou de travailler pour chercher leur nourriture : ils choisissaient la deuxième option!
Les gens qui offrent une diète à base d’aliments crus savent que la variété est très importante. Pour les chiens nourris aux croquettes, certains manufacturiers offrent différentes protéines pour une gamme donnée. Pourquoi ne pas acheter une poche de nourriture au poulet, et le mois suivant une poche à base de viande rouge, et le mois suivant au poisson? Votre chien aimera goûter des saveurs différentes. Je trouve triste de lire parfois des recommandations sur les réseaux sociaux du genre, « laisse-lui sa gamelle 20 minutes et s’il refuse de s’alimenter, attend au prochain repas jusqu’à ce qu’il mange, il ne se laissera pas mourir de faim ». Il est probable qu’un jour il va finir par manger, mais pourquoi le forcer à manger une nourriture qui ne lui plaît pas?
Les manipulations :
Apprenez-lui à aimer les manipulations à l’aide du « Bucket Game© ».
Ce jeu a été inventé et popularisé par Chirag Patel, un comportementaliste reconnu dans le domaine. Il a pour but d’enseigner au chien comment aimer les différentes manipulations quotidiennes nécessaires, comme se faire toiletter ou se faire examiner chez le vétérinaire. De plus, ce jeu peut avoir une multitude d’applications. Il peut aider à modifier des comportements, améliorer la relation chien-humain ainsi que le lien de confiance.
Pour plus d’idées :
Il existe un groupe Facebook sur l’enrichissement et la stimulation mentale : Équilibre Canin – Enrichissement et stimulation mentale. Ce groupe vise à aider les propriétaires de chiens à trouver des moyens pour occuper leur chien intelligemment et répondre à leur besoin de mastication et de travail mental quotidien.
Je terminerai en disant que bien sûr il faut imposer des limites claires et des règles stables. Et il est impératif que tous les membres de la famille y adhèrent. Les chiens sont heureux dans une routine, c’est rassurant pour eux. Et même si certains aiment l’aventure, d’autres sont inconfortables dès qu’on les sort de leur milieu connu. Il faut être conscients de ce fait et le respecter. On doit tout faire en notre possible pour garder l’animal dans sa zone de confort lors des entraînements. L’apprentissage sera meilleur et plus rapide. On évitera ainsi le stress non-productif et les risques de développer des comportements indésirables.
Comment allez-vous enrichir la vie de votre compagnon canin cette semaine?